Yérri-Gaspar Hummel ne s’arrête jamais!

Interviews 04.03.2021

Strasbourg, c’est une histoire de famille.

Les grands-parents de Yérri-Gaspar Hummel avaient une boulangerie en centre-ville, en face de la cathédrale. Le futur créateur a grandit dans la commune de Nordheimm dans une famille bilingue français-allemand. Ses parents, musiciens, parcourent le monde mais défendent le répertoire alsacien. La frontière franco-allemande coule dans les veines du musicien, qui a étudié dans les deux pays.

Quand ils pensent à Strasbourg, les mélomanes pensent tout de suite à Musica. Mais ce n’est pas le seul festival de la ville dédié à la création ! Vous avez créé Exhibitronic, qui a fêté ses dix ans l’année dernière…

Ces deux projets remontent à loin… Quand j’étais au lycée, en 1997, j’étais mordu de musiques technos et électros. J’ai créé un premier collectif, Utop. L’association a été renommée UT en 2004 : à l’époque, je voulais créer un pôle culturel alternatif dans un bâtiment de 800m2 et de quatre étages en plein centre-ville ! Un mois plus tard on s’est rendu compte que c’était bien trop ambitieux : trop de logistiques, pas assez de soutien, de finances… Finalement, j’ai lancé le festival Exhibitronic en 2010 avec une programmation de concert, d’installations, de performances et d’ateliers en faisant la part belle aux musiques électroniques. Les esthétiques sont très variées, de la guitare psychédélique au piano préparé, mais le point commun, c’est que le festival réunit, depuis 10 ans des artistes qui, par le geste, définissent une autre manière de créer de la musique, proposent une autre expérience du concert. Un de mes grands souvenirs est l’édition 2012 où nous avons donné le tout premier concert de guitare électronique dans la cathédrale de Strasbourg, avec Duncan Pinhas !

Festival Exhibitronic – 10 ans de musiques électroniques à Strasbourg

Et puis vous avez créé une autre structure qui défend la création musicale à Strasbourg. Lab’Ut, un laboratoire, une succursale de votre festival. Qu’est-ce qui s’y passe ?

Strasbourg n’avait pas de laboratoire de résidence pour les artistes musiciens. Lab’ut est né dans le sillage d’Exhibitronic. Il fallait un lieu permanent, pour accueillir des artistes en résidence, sur le temps long. En 2017, j’ai acheté un appartement en centre-ville et commencé de gros travaux. Trois ans plus tard, le studio est fin prêt et entièrement équipé. On peut enregistrer deux à trois personnes et réaliser des maquettes pour les artistes. C’est aussi un lieu de résidence, un espace de composition expérimentale spécialisé dans les musiques multicanales, qui accueille tous les musiciens : les ensembles strasbourgeois comme les étudiants de la Haute écoles des arts de Rhin. Le multicanal et les musiques d’espace sont en pleine explosion : c’est une nouvelle méthode de spatialisation du son, qui reproduit la sensation physique du son. C’est comme si vous vous promeniez en forêt, et que vous entendiez les sons de la nature partout autour de nous. Sauf que vous êtes assis sur votre canapé, un casque sur les oreilles. Cela nécessite des outils de captations spéciaux. Lab’Ut est sur les réseaux sociaux et la programmation 2021 est en ligne : nous organisons régulièrement des tables-rondes en ligne sur l’art et la technologie. *

Photo ©Jean-Marc Duchenne

Comment on donne envie à un public déjà très sollicité de venir découvrir les musiques expérimentales que vous défendez ?

Il ne faut pas hésiter à casser les codes et à varier les formats. Tenez, en septembre 2019, nous avons organisé un workshop avec le club alternatif le Kalt, qui est un peu à Strasbourg ce que le Bergain est à Berlin ! Nous avons mis en place trois studios multicanaux et dix artistes ont participé : des étudiants de la Hear et des adeptes de la techno. Le concert a duré toute une nuit, de 23h à 7h du matin… et 800 personnes sont venues danser !

Je pense qu’il faut offrir aux artistes des occasions d’explorer. Depuis deux ans, je suis apiculteur. J’ai un rucher au cœur de Strasbourg, sur les quais Saint-Jean. J’enregistre beaucoup mes abeilles et je propose aux artistes – musiciens, mais aussi plasticiens -, de pouvoir venir observer les ruches, pour leur travail. Le fonctionnement d’une ruche a beaucoup à apporter aux artistes. Je prévois d’installer bientôt des micros inoffensifs dans les ruches, pour approfondir mon travail sur la musique des abeilles.

Les abeilles en concert : Kaspårs blues Abend (live @Kalt)

Comment vivez-vous la pandémie ?

Comme vous le voyez, elle n’arrête pas les projets : Lab’Ut a tout de même sorti sa programmation, même si les rencontres ont pour l’heure lieu eu ligne. Pour moi, compositeur, la crise du Covid a même été bénéfique.  Je me suis enfermé dans un studio et j’ai regardé 20 ans en arrière, en revenant sur toutes mes créations. Grâce à cette rétrospective, cinq albums vont sortir à horizon 2021-2022. Avec l’équipe de Lab’ut, on songe même à lancer notre propre label. Je suis notamment très intéressé par la créations de clips musicaux, pour faire davantage circuler nos musiques…

Propos recueillis par Suzanne Gervais

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