Elle est en pleine écriture. La compositrice Sofia Avramidou finalise la partition de sa nouvelle œuvre, Geranomachie, qui sera créée par l’ensemble Intercontemporain lors du Grand Soir Numérique, à la Philharmonie de Paris, en décembre prochain. Un titre énigmatique, qui évoque un mythe ancien et mystérieux, à la frontière de l’animalité et de l’humanité.
Son premier souvenir musical est une chanson séfarade traditionnelle… Sofia Avramidou, née en Grèce en 1988, a commencé par étudier les musiques traditionnelles.
Grèce, Italie : un apprentissage méditerranéen
Elle apprend à jouer des instruments tels que le oud et le ney, une flûte en roseau qui date de l’Egypte ancienne, improvisant en chantant la musique de la Méditerranée orientale. À 18 ans, étudiante en musicologie à l’Université Aristote de Thessalonique, elle intègre le département de composition. Après un master, elle poursuit à l’Académie Santa Cecilia à Rome, dans la classe d’Ivan Fedele. Puis, direction… la France ! Le conservatoire de Boulogne-Billancourt avant d’intégrer, en 2017, le cursus de composition et d’informatique de l’Ircam.
Metallages, pour flûte, clarinette, cor, percussions, piano et quatuor à cordes, créée au festival de Royaumont, Val d’Oise en 2020.
L’âme littéraire, l’imagination à vif
La musicienne s’est pris de passion pour le vieux mythe de la Geranomachie. En grec : la bataille des oiseaux migrateurs. Un récit vieux comme le monde qui fait référence aux combats sanglants qui opposèrent des oiseaux migrateurs à un peuple de nains. Il en existe d’innombrables versions, un petit peu partout sur la planète : chez les Antiques – Homère, Hérodote – dans l’art funéraire latin, dans différents mythes amérindiens – chez les Cherokee, les Salish et les Apaches -, ainsi que dans plusieurs contes de moines taoïstes chinois… Sa poésie a plu à la compositrice, ainsi que son actualité frappante : la Geranomachie parle des questions de migrations.
Immobilisme et élan
Sofia Avramidou a une démarche très intuitive.
L’idée poétique de Geranomachie réside dans la dichotomie entre deux concepts philosophiques : la culture migratoire contre la culture stable, le ciel contre la terre, l’animalité contre l’humanité, et la violence qu’engendre cette rencontre. Les oiseaux symbolisent l’animalité, mais ils incarnent aussi le mouvement, l’adaptation, la collectivité et un fort sentiment de protection et de solidarité. Les humains, à l’opposée, font preuve de repli, d’immobilisme, de violence et d’agressivité. Avec 24 instruments et l’électronique à sa disposition, elle joue avec les différents corps sonores, ciselant les contrastes.
Fascinée par les contes
La littérature est une source d’inspiration majeure pour la jeune compositrice. Pour la Biennale de Venise, en 2017, elle avait composé La Légende de Saint-Martin, une pièce pour violoncelle solo directement inspirée de « Je suis perdue », un monologue théâtral de Jean Cocteau. Sofia est aussi fascinée par les contes des frères Grimm. Son opéra de chambre, « Rodi rodi, morsicchia! La casina chi rosichia? », composé en 2018, est marqué par l’histoire de Hansel et Gretel quand la pièce qu’elle a composée lors de son cursus à l’Ircam, « Keep digging the hare hole » est inspirée de Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll.
A vos agendas ! Geranomachie sera à découvrir le 3 décembre 2021, à la Philharmonie !
Suzanne Gervais