Embrasement en vue au Phénix de Valenciennes, le 3 février prochain, avec la création du dernier-né du Centre de création musicale de la ville, Art Zoyd studios : Paysages des enfers. Un spectacle pluriel où musique live, danse et vidéo crépitent ensemble dans une relecture des dernières pièces composées par Gérard Hourbette.

Art Zoyd Studios a été fondé en 1999 par Gérard Hourbette et Monique Vialadieu. Les aficionados de rock progressif et de free jazz reconnaîtront le nom du groupe fondé par Hourbette qui l’a dirigé jusqu’à sa mort en 2018. Génération sans futur, Les Espaces inquiets, Haxan… les compositions électroniques d’Art Zoyd ont marqué les années 1970-80. Le Centre, né dans le sillage des expérimentations sonores du groupe, organise désormais des résidences et assure la diffusion de ses compositions musicales, essentiellement électroacoustiques : des expériences qui ont pour clé de voûte la pratique de nouveaux instruments et l’exploration sonore. Art Zoyd le groupe n’est plus, mais l’activité du studio bat son plein.

Testament musical

C’est une œuvre palimpseste que la nouvelle création en date, Paysages des enfers, aux tonalités dantesques et baroques, puisqu’elle reprend les dernières pièces composées par Gérard Hourbette. Des pièces enregistrées au disque et que le musicien souhaitait, avant sa mort, porter à la scène. « Ces dernières pièces ont marqué un tournant dans l’esthétique de Gérard, explique Monique Vialadieu, directrice du Centre. Il travaillait souvent avec des instruments électroniques qu’il doublait avec de l’acoustique. Les pièces de Paysages des enfers sont beaucoup plus électroniques, plus radicales. »

Composition à quatre mains

« Gérard et moi devions travailler ensemble sur Paysages des enfers, il y a une dizaine d’années, rappelle de son côté l’autre musicien du projet, le compositeur et bassiste Kasper T. Toeplitz. Nous n’étions pas tout à fait d’accord : je souhaitais d’emblée un spectacle live, lui moins. Nous avions des envies différentes, sans pour autant cesser de nous entendre. Toujours est-il qu’il a mené le projet à bien, de son côté, au disque. » A la mort de Gérard Hourbette, en 2018, Kasper T. Toeplitz reprend la direction artistique d’Art Zoyd Studios. « L’idée était de terminer le travail réalisé et d’aboutir sur un spectacle ! » confie le musicien. Un travail d’écriture à quatre mains, qui fait dialoguer deux mémoires musicales. « Je suis donc parti de la musique composée par Gérard, j’ai pris ce qui me plaisait et j’ai retravaillé les matières sonores, la continuité, la durée. »

Teaser Paysages Des Enfers – Création le 3 février 2023 au Phénix – scène nationale Valenciennes from Art Zoyd on Vimeo.

Présentée comme une « exploration musicale immersive », Paysages des enfers est un spectacle à trois dimensions. Sur scène, une danseuse, Myriam Gourfink, les lumières et la vidéo symboliste de Dominik Barbier, diffusée sur écran géant, en fond de scène. « La vidéo mélange différentes représentations et icônes de l’enfer, des images de musiciens et de danseuse », explique Monique Vialadieu. Le musicien, lui, est en bord de scène et travaille, en direct, la spatialisation sonore. On l’aperçoit, on ne le voit pas vraiment. Personnage à part entière, l’immense système de haut-parleurs diffuse la musique. « Gérard avait laissé quelques notes disant que la musique devait être au centre de ce projet scénique, explique Monique Vialadieu. Il avait envie d’une forme de brutalité musicale, une véritable immersion qui permette d’aller au cœur du son. » Kasper T. Toeplitz a par ailleurs l’habitude de travailler avec les danseurs : « J’ai travaillé avec beaucoup de compagnies de danse contemporaine en Europe. Ma démarche musicale n’est jamais de coller à la danse, de redire ce que dit le mouvement. Ce sont deux langages distincts qui, ensemble, en créent un troisième. »

Paysages des enfers : le pluriel est important car les enfers évoqués durant l’heure que dure le spectacle sont multiples. L’Enfer de Dante, en contrepoint, l’enfer collectif et l’enfer individuel avec l’enfermement physique et mental, cet enfer qui habitait Gérard Hourbette, malade, à la fin de sa vie. Un spectacle clair-obscur qui propose, finalement, une forme de transcendance corporelle, visuelle et, bien sûr, musicale.

Suzanne Gervais

Création de Paysages des enfers, le 3 février à 20h au Phénix, Valenciennes

Photos ©  Art Zoyd studios