Fondateur et directeur artistique de la compagnie Distorsions, basée à Nancy depuis 2013, le compositeur Hervé Birolini se passionne, depuis quelques mois, pour l’énergie électrique. Une source d’inspiration qui fait des étincelles ! Entretien.
Hervé Birolini, Des éclairs : c’est le titre de votre dernière création. Pouvez-vous nous la présenter ?
Des éclairs est la première pièce de la compagnie Distorsions qui se focalise sur la question de l’énergie électrique. Je quitte un cycle de pièces consacrées au lien entre le son, l’espace et le mouvement, réalisées avec la chorégraphe et danseuse Aurore Gruel : Core en 2017, Exartikulations en 2018, avec son mur de haut-parleurs, et Manipulation, une pièce chorégraphique, en 2020. Aurore et moi travaillons ensemble depuis plus de dix ans et nous nous sommes posés la question des terrains d’entente entre la musique et la danse. Notre triptyque décline ainsi les différentes relations entre le son, l’espace et le mouvement.
CORE Etape de travail from Herve Birolini on Vimeo.
EXARTIKULATIONS from Herve Birolini on Vimeo.
MANIPULATION – recréation oct2020 from ORMONE on Vimeo.
Ensuite, j’ai trébuché sur l’électron et je me suis intéressé de près à l’électricité. Un intérêt qui fait écho à ma formation : j’ai un bac électronique, puis j’ai fait des études de maths et de physique à la fac, avant de bifurquer vers des études de cinéma. “Des éclairs” est une façon de s’intéresser à l’énergie, de rendre visible ce qui par essence est invisible. Cette pièce, qui dure une quarantaine de minutes, présente un dispositif de huit néons verticaux et bobines de Ruhmkorff, qui sont installés devant moi. Je me trouve derrière, tel l’opérateur d’une centrale électrique !
La musique est purement électronique mêlée à la petite musique que peuvent provoquer les décharges des bobines. Je capte le son de l’activité électrique des bobines grâce à des micros de guitare électrique. Ce qui sort de mes hauts parleurs est assez imprévisible, c’est ce qui place la pièce au cœur de la transdisciplinarité : son, lumière, électronique. Je n’appelle d’ailleurs pas cela concert, mais proposition. Une proposition où je donne à voir la manifestation de l’énergie électrique en action : c’est aussi visuel que musical. Je m’efforce de proposer des pièces indisciplinaires.
Des éclairs a été créée en septembre 2020 au festival « Musique Action » à Vandoeuvre-lès-Nancy.
DES ECLAIRS / Short from Herve Birolini on Vimeo.
Une expérimentation sur l’électricité qui vous a amené à Tesla, une nouvelle pièce, qui sera créé à L’Arsenal de Metz en janvier 2022…
Cette fois, j’ai voulu ajouter du texte, mais en l’utilisant comme un instrument de musique. Tesla est une performance musicale scénographiée à quatre mains, composée avec François Donato. La pièce est inspirée de Nikola Tesla, génie de l’électricité, né en 1856 dans l’empire d’Autriche, et décédé à New-York en 1943. Nikola Tesla, a consacré sa vie à imaginer les visages multiples de l’électricité. Inventeur et ingénieur de génie, il a vu les capacités extraordinaires que l’humanité pouvait attendre de cette énergie, mais, il s’est, d’une certaine manière, un peu perdu en chemin, dans l’entrelacs infini des possibilités. Plutôt que d’évoquer la vie de Tesla, le texte que j’ai commandé à Dominique Petitgand s’inspire du champ lexical de l’électricité et du laboratoire : « foudre, « hertz », « bakélite », « champs magnétique alternatif, « distorsion », « optique », « matière pondérable »… Je veux faire émerger certaines des notions qui faisaient le quotidien de cet inventeur de génie, plonger d’une manière poétique dans ce qu’auraient pu être ses réflexions. Le dispositif que nous utilisons sera un champ de 16 haut-parleurs omnidirectionnels, répartis sur la scène, et quelques lumières discrètes pour guider l’oreille. Le texte, lu par un comédien, a été enregistré. Il est considéré à égalité avec les fragments instrumentaux qu’on demande à un instrumentiste en studio.
En ce moment, je suis en résidence et je développe un dispositif de seize petites bobines Tesla qui vont produire des arcs électriques gros comme un poing au-dessus de chacun des haut-parleurs. L’énergie créera une expérience visuelle et sonore : le champ de l’arc électrique et le chant de la bobine.
Tesla Teaser Step #1 from Herve Birolini on Vimeo.
Depuis janvier, vous êtes le nouveau président d’une plateforme qui réunira bientôt plusieurs artistes et acteurs des musiques de création dans le Grand Est…
L’idée de cette plateforme remonte à 2015 : c’est une initiative des musiciens et des créateurs de Lorraine, qui voyaient arriver la grande région et ont voulu se rassembler, créer un réseau afin de ne pas être perdu dans ce futur ensemble Grand Est. La Plateforme des musiques créations Grand Est, PFMC, rassemble aujourd’hui 70 membres : compositeurs, improvisateurs, instrumentistes, ensembles, lieux et festivals, elle rend compte de la diversité artistique sur le territoire du Grand-Est. Ce réseau est à ce jour l’unique réseau régional structuré en France pour les musiques de créations. Ce réseau veut fédérer l’ensemble des professionnels de la création musicale contemporaine du Grand Est (Scènes Nationales, Centre National de Création Musicale, Opéras et autres lieux conventionnés ou non) et tisser des échanges avec nos voisins transfrontaliers. Nous allons lancer notre plateforme d’ici fin 2021 et nous souhaitons initier plusieurs événements, notamment une rencontre professionnelle transfrontalière, entre la France et l’Allemagne, à horizon 2022-2023, avec des concerts et la restitution d’étapes de travail afin que les artistes puissent rencontrer les professionnels de la diffusion. A suivre !
Propos recueillis par Suzanne Gervais