La création coûte que coûte : les confidences d’Armand Angster, directeur artistique de l’ensemble Accroche Note
Accroche Note, qui existe depuis 30 ans, fait, comme les Percussions de Strasbourg, figure de pionnier ! Cet ensemble chambriste, de 3 à 8 musiciens, a créé des œuvres de Tristan Murail, George Arperghis, Pascal Dusapin, Martin Matalon, Jean-Louis Agobet… et beaucoup d’autres !
En 2019, vous avez créé 17 pièces : un beau palmarès !
La création, c’est le nerf de la guerre, mais, pour qu’une pièce entre au répertoire, il faut aussi qu’elle soit rejouée. Par l’ensemble qui l’a créé, mais aussi par d’autres : c’est essentiel. Il ne faut pas résumer la musique contemporaine à une série de créations. Pour faire vivre ce répertoire immense, rien de tel que le travail avec les étudiants des classes de composition, mais pas seulement : les futurs interprètes aussi. Nous sommes très liés à la classe de composition du conservatoire de Strasbourg, et nous travaillons régulièrement aux Etats-Unis, avec les jeunes compositeurs de l’Université d’Iowa. L’année prochaine, nous allons sillonner le Grand-Est, avec des haltes aux conservatoires de Metz et de Reims. Il est important que les ensembles soient présents dans une classe de composition : cela met le pied à l’étrier et permet aux jeunes compositeurs et compositrices de diffuser leur musique : on joue certaines de leurs pièces dans nos concerts. C’est tout sauf évident, pour les jeunes compositeurs, de trouver leur place dans la société.
Un nouvel album consacré à Pascal Dusapin en 2020 pour célébrer cette passion de la création:
Comment expliquez-vous la forte densité d’ensembles spécialisés dans les musiques d’aujourd’hui, à Strasbourg ?
La présence de Musica y est pour beaucoup. Mais c’est aussi grâce au conservatoire. Beaucoup de compositeurs et d’interprètes sont sortis de la Haute école des arts du Rhin. Tous les ensembles qui sont sur Strasbourg sont passés par le conservatoire, mais, malgré ce point commun, on arrive à garder une diversité intéressante dans les propositions musicales : heureusement ! Chaque ensemble a son identité et veut la développer. Tous ces ensembles ne défendent pas le même répertoire : certains sont dédiés au geste, à la recherche scénique, certains sont dirigés, d’autres sont plus petits. L’ensemble Linea est un ensemble dirigé, qui travaille le répertoire « classique » de la musique contemporaine. Nous, chez Accroche Note, nous sommes très rarement dirigés : on a joué, par exemple, le Pierrot lunaire de Schoenberg sans chef. En tant qu’ensemble spécialisé dans musique d’aujourd’hui, on se sent soutenu à Strasbourg. Quand on a démarré, il y avait juste Les Percussions de Strasbourg. Aujourd’hui, trois générations différentes cohabitent. Nous sommes une dizaine sur ce créneau. Il y a plus d’ensembles, mais pas plus d’argent.
Une année 2020, également dédiée au plaisir du répertoire avec cet album:
Justement, sentez-vous qu’il est plus difficile d’être financé en défendant des musiques vite cataloguées « élitistes » ?
Hélas oui. Il est plus difficile aujourd’hui d’être un ensemble qui défend notre répertoire, que d’être un ensemble de musique baroque, qui peut être invité dans les comités d’entreprise et qui fait tout simplement moins peur aux programmateurs ! A Strasbourg, le soutien du public est plus fort qu’ailleurs, c’est l’effet Musica. Dans le département, il y a un public qui suit chaque ensemble : il faudrait fédérer tous ces publics !
Un mot, pour finir, des bals contemporains, un concept intriguant…
Le bal contemporain consiste à demander à des compositeurs d’écrire des pièces à danser. C’était une vieille idée du festival Musica. C’est un vrai bal ! Il y a des musiciens – orchestre, chanteurs, accordéon – et une piste de danse * La dernière édition remonte à 2015 : les créations se sont enchaînées, les compositeurs étaient là, l’ambiance était super. On devait faire un autre bal avec la Sacem à Nantes, il y a deux ou trois ans, mais cela ne s’est pas fait. Le budget est important puisqu’il faut passer plusieurs commandes, et l’effectif est lui-aussi coûteux : en 2015 il y avait notamment un DJ et un orgue de barbarie !
Propos recueillis par Suzanne Gervais.
La playlist de d’Accroche Note