Alexander Vert & Juan Arroyo
Un continuum sonore

Concerts 20.03.2021

Des effluves sacrées au couvent des Minimes. Pour son concert programmé dans le cadre du festival Prospectives XXII du Conservatoire de Perpignan (capté sans public et retransmis sur youtube), le collectif Flashback s’est installé dans le cloître du Couvent des Minimes, le lieu idoine pour accueillir cette fantasmagorie audiovisuelle. 

L’espace somptueux laisse librement se déployer le son instrumental, amplifié voire transformé par l’électronique toujours présent dans les concerts-spectacles de Flashback. Les deux interprètes sur scène, la pianiste Clarisse Varihl et l’accordéoniste Fanny Vicens sont plongées dans un environnement immersif conçu par l’artiste visuel Thomas Pénanguer mettant au service de la musique un imaginaire visuel d’une extrême sensibilité. Deux compositeurs sont à l’affiche, le Français Alexander Vert, directeur de Flashback, et le Péruvien Juan Arroyo dont la nouvelle œuvre Monolithe est donnée en création mondiale.  

Clarisse Varihl est au piano pour interpréter Nuages d’Alexander Vert, clin d’œil à Debussy et sa musique de plein air : transparence, mobilité et qualité vibratile des textures sonores baignées de résonance et d’échos multiples. L’électronique confère l’envergure spatiale du continuum sonore investissant tous les registres de l’instrument sous le jeu cristallin de l’interprète. Le titre de la seconde pièce Turn on, Tune in, Drop out (s’ouvrir, s’harmoniser, se détacher), s’attache au devenir des sons. L’œuvre est écrite pour accordéon microtonal (accordé en quarts de ton). Fanny Vicens, rejointe par son partenaire accordéoniste Jean-Étienne Sotty, avec lequel ils forment le duo Xamp, a conçu le prototype en 2015 avec l’aide du facteur Philippe Imbert, dotant l’instrument d’un « grain » plus fin, plus impalpable aussi, le quart de ton venant parfois troubler la matière sonore. L’accordéon chez Vert est un corps vivant d’où sortent des voix étranges que l’électronique traite en direct et remodèle à l’envi. Les graves somptueux que Fanny Vicens tire de son instrument donnent le frisson. 

Monolithe, la pièce donnée en création mondiale, est le fruit d’une résidence d’un mois du compositeur au « labo » de Flashback à Perpignan. D’origine péruvienne et vivant à Paris, Juan Arroyo mène un travail soutenu avec les nouveaux outils technologiques. Il a travaillé sur le logiciel de l’Ircam MaxMSP et la synthèse granulaire pour cette nouvelle pièce très impressionnante qui convoque le piano, l’accordéon et l’électronique. « Monolithe est une pierre sur laquelle j’ai gravé des messages adressés à des êtres chers via le code morse. J’ai également transposé musicalement le geste de la main qui se pose sur la pierre comme pour y laisser ses empreintes », confie le compositeur.

La musique est conçue dans un flux continu aux résonances profondes qui se déroule et se donne à voir simultanément ; la matière est dense, zébrée de violentes griffures, les deux instruments étant parfois immergés dans le maelström électronique, ensevelis sous la vague avant de réapparaître dans leur nudité acoustique. Délicatement ciselées, les dernières pages de la partition ré-instaurent une dimension verticale, les images de Thomas Pénanguer aidant : un instant d’une émotion singulière qui s’inscrit dans un temps suspendu où s’instaure l’ordre du rituel.     

Michèle Tosi

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