Playlist #2

Playlists 28.04.2022

Voilà, c’est lancé, nous sommes partis pour durer!
Pour fêter notre premier anniversaire, avec plus de 17 000 lecteurs et lectrices, nous poursuivons notre ligne musicale de découvertes tous horizons.
Quoi de mieux qu’une playlist pour souligner la créativité et la singularité de ces artistes qui nous enchantent.
Tour de piste de Anne Montaron, Guillaume Kosmicki et Suzanne Gervais.

Le tour de piste de Anne Montaron

Tomoko Sauvage, invitée des Barbican sessions, le 7 janvier 2022
L’artiste sonore japonaise Tomoko Sauvage fait le tour du monde avec ses bols de céramique et ses hydrophones (micros plongés dans l’eau, transducteurs électroacoustiques). Elle dialogue ici avec les sculptures et luminaires de l’artiste japonais Isamu Noguchi, dont le Barbican Center propose une rétrospective.
Lors de sa performance, elle fait sonner deux sculptures de Noguchi : “Tsukubai” (granit & eau, 1964) & “Mountains Forming” (1982-83, acier galvanisé). On ne peut qu’être saisis par le merveilleux sens de l’espace de la musicienne et le jeu fluide et poétique qui se tisse entre sculptures, son et espace : danse des sons !

Gyorgy Ligeti, “Lamento du Trio pour cor, violon et piano”, 1982
Avec Pierre-Laurent Aimard, piano, Saschko Gawriloff, violon, Marie-Luise Neunecker, cor
Jeudi 10 mars 2022 à Paris, alors que le gouvernement russe lâche des bombes sur l’Ukraine, les merveilleux solistes de l’ensemble Court-Circuit donnent une version bouleversante de ce trio de Ligeti
Au moment où, sous la voûte de la chapelle de la Sorbonne, résonne le dernier mouvement de la pièce, un Lamento d’une force expressive inouïe, les images de cette guerre du 21ème siècle surgissent, avec leur cohorte de mensonges, de morts, de souffrances, d’exilés. 
Comme si Ligeti avait voulu mettre en musique au début des années 1980 l’image du néant qui, lors de toute guerre, engloutit les vies humaines.
Page incroyablement profonde et épurée, en forme de passacaille, à l’intérieur de laquelle se croisent des lianes chromatiques « qui pleurent et se lamentent », comme dans une passion de JS Bach.

Jonas Kocher et Luc Ferrari, « Perspectives and Echoes / Tautologos III», 2021
Ensemble -bRt- Label Bruit (Suisse)
Face à face dans cet album proposé par l’accordéoniste suisse Jonas Kocher, improvisateur et compositeur, deux type de processus collectif qui reformulent la question de l’interprétation et de l’improvisation collective, et rendent caduque la distinction entre les deux processus.
«  Perspectives and Echoes » de Jonas Kocher” (2019) prend pour point de départ une partition graphique de Jonas Kocher, avec un cadre temporel et spatial, à l’intérieur duquel les musiciens de l’ensemble -bRt- improvisent.
« Tautologos iii » de Luc Ferrari (1969) est une partition textuelle : un ensemble d’explications, de consignes, autour de l’idée de tautologie. L’instrumentation est libre. La durée aussi. L’interprétation se construit à partir d’une discussion collective préliminaire. Chaque participant.e choisit de jouer un cycle, qu’il répète. Chaque cycle est composé d’une action sonore, puis d’un silence plus long que l’action. La musique générée (superposition de cycles individuels) pourrait durer indéfiniment…

Le tour de piste de Guillaume Kosmicki

Melaine Dalibert, “Shimmering”, sortie le 20 mai 2022
D’albums en albums, le pianiste Melaine Dalibert oscille entre des compositions algorithmiques rigoureuses ou des pièces plus libres, teintées d’un romantisme minimaliste, perles sonores à la douce mélancolie, suspendues dans le temps, incitant à l’écoute extatique. C’est le cas de ce nouveau disque, tout juste paru chez Ici d’ailleurs, première collaboration entre l’artiste et le label. Au fil des pistes, l’auditeur est constamment surpris par les effets de résonance et de filtrage appliqués au piano, les compléments instrumentaux ou électroacoustiques, voire le surgissement d’un beat discret. Tout est parfaitement équilibré, sans aucune exagération, laissant le piano trôner en maître de cérémonie. De plus, Melaine Dalibert a pour moi le talent rare d’incorporer à ses disques des compositions qui restent à jamais liées à des situations personnelles traversées au moment de l’écoute, qui s’inscrivent en mémoire comme des traces mémorielles indélébiles et génèrent le sentiment d’une intimité précieuse avec sa musique.

Iva Bittová, “River Of Milk”, 1991
Pendant mes longues années techno, alors que je frisais l’exclusivité musicale pour la transe et les avalanches de décibels de l’electronic dance music, nourri par les émotions fortes des raves parties et leurs beat tonitruants et par l’idéal libertaire des sound-systems travellers, quelques rares disques me faisaient encore me raccrocher à des réalités sonores plus acoustiques. River Of Milk d’Iva Bittová était de ceux-là (1991, Eva records). Il s’agit de son premier album solo, initialement enregistré en 1990 en Tchécoslovaquie avec son propre nom pour titre (Pavian Records). L’assurance ludique et la puissance émotionnelle de sa voix et de son violon contrastent totalement avec la fragilité apparente de l’effectif. Ce disque exprime à mon sens ce qui se rapprocherait de la quintessence de la musique, dans son plus simple appareil.

Plastikman, “Closer”, 2003
De musique électronique il est question justement, avec ce qui fut longtemps mon album de chevet : Closer (Novamute, 2003), le disque d’un des plus grands producteurs du style techno Detroit, Plastikman (alias Richie Hawtin), même s’il ne résidait pas à Detroit mais dans la ville canadienne voisine de Toronto, et même s’il venait de déménager à Berlin au moment de la sortie de cet opus. La qualité irréprochable du son et le travail très fin sur le sempiternel beat, rendu organique et souvent discret (comme sur un précédent album de 1998, Consumed ) rapprochent ces compositions ciselées, toutes imparables, du travail de la musique minimaliste américaine. Nous sommes cependant bien dans la culture dance music avec ce disque entre deux mondes. Un autre album, tout aussi fascinant, répondait aux mêmes problématiques, alors passionnément débattues entre les deux artistes : la bande son de Jeff Mills pour Metropolis de Fritz Lang (Tresor, 2000).

Le tour de piste de Suzanne Gervais

Anna Meredith, “Nautilus”, 2012
Moshi Moshi Records
Quelle fougue, quel chaos déluré que ce morceau de la compositrice écossaise Anna Meredith. Une claque ! Elle s’est fait connaître en composant de la musique classique, dans la tradition symphonique – dont on devine des réminiscences dans la fanfare électrique de ce “Nautilus” obsédant, avant de se réincarner, maintes et maintes fois : d’abord dans son EP “Black Prince Fury”, en 2012, puis avec son premier album : Varmints, dont Nautilus est le titre d’ouverture.

Caroline Shaw, “Partita for 8 voices : Passacaglia – Roomful of Teeth”, 2013
New Amsterdam
La passacaille, danse fameuse au 17e siècle, est ici revisité par la compositrice américaine Caroline Shaw : huit voix a capella, avec des phrases qui confinent au soupir, jusqu’au cri : l’épure et la sensualité tout à la fois. Une oeuvre pleine de surprises… et d’humour !

Philip Glass, “The American Four Seasons” – 4ème mouvement, avec Gidon Kremer et films de Jonas Mekas, 2015
Lyrisme et théâtralité caractérisent pour moi ce concerto du maître du minimalist américain, Philip Glass. Un clin d’oeil malicieux et caustique tout à la fois au tube de Vivaldi.


Photo Cécile Le Talec / ©adagp

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