La danseuse et chorégraphe Lucinda Childs a été internationalement mise en pleine lumière lors de la création d’Einstein on the Beach en 1976, au Festival d’Avignon, au même titre que le compositeur Philip Glass.
Tous deux étaient alors cantonnés aux scènes expérimentales underground de New York. C’est en particulier son solo, « Danse en diagonale » dans le premier acte de l’opéra, qui marquera les mémoires de manière indélébile, s’agençant comme un manifeste de la danse minimaliste, qu’elle vient d’inventer.
En parfaite symbiose avec la musique du compositeur et la mise en scène de Bob Wilson, cette danse revendique « d’explorer, de tenter toutes les variations possibles offertes par une simple phrase chorégraphique » jusqu’à l’épuisement des possibilités. Arpentant inlassablement la scène dans un imperturbable mouvement avant-arrière en diagonale, la danseuse à l’extraordinaire endurance modifie ses petits gestes dans l’infime détail : mouvement des mains, des bras, du cou, de la tête, des yeux… L’œil a toujours quelque chose à remarquer, à déceler, à observer dans cette infinité d’options, cet ostinato gestuel de la perpétuelle différence. Cette piste restera le credo de la chorégraphe pour tous les spectacles à venir.
lucinda childs
Lucinda Childs a suivi les cours de Bessie Schönberg et de Merce Cunningham. Ce dernier la plonge très tôt dans l’univers multidisciplinaire de l’École de New York, au contact du compositeur John Cage et des plasticiens Jasper Jones, Robert Rauschenberg ou Robert Morris. Dans les années soixante, elle participe à l’aventure de la Post-modern Dance au sein du Judson Dance Theater, aux côtés de Steve Paxton, Yvonne Rainer ou Trisha Brown, dansant sur les toits des immeubles, dans la rue ou dans les églises. Elle monte elle-même des spectacles très expérimentaux, délibérément tournés vers l’avant-garde et le happening, marqués par le sceau de John Cage. Tout y est remis en question : les séparations entre danseurs, chorégraphe et public ; les gestes classiques au profit de gestes triviaux du quotidien ; le rapport à la narration ou même l’expression sentimentale.
Après le succès initial d’Einstein on the Beach, Lucinda Childs, qui a également écrit un des textes du livret, assure à la suite d’Andy de Groat l’intégralité des chorégraphies de toutes les productions suivantes : 1984, 1992, 2012 et 2014. Elle poursuit son travail approfondi sur le minimalisme et obtient un nouveau succès en 1979 avec le spectacle Dance, sur les musiques de Philip Glass et les projections de Sol LeWitt, une référence absolue, reprise de nombreuses fois depuis.
La collaboration entre Lucinda Childs et Philip Glass est une longue histoire : en novembre 2020, elle met en scène et chorégraphie Akhnaten à l’Opéra de Nice, le troisième opéra-portrait du compositeur (1984), sous la baguette de Léo Warynski, dirigeant les artistes en visio-conférence depuis New York, en pleine période de crise sanitaire. Le spectacle sauvé in extremis par une diffusion en ligne en plein confinement sera de nouveau programmé pour la saison 2021-2022.
Guillaume Kosmicki