Joce Mienniel The Dreamer

Disques 11.05.2021

C’est un voyage intérieur au pays des songes que nous propose Joce Mienniel dans ce disque d’une grande beauté. Et pas n’importe lequel : ce sont ses propres rêves, patiemment collectés et consignés au fil des nuits, que le flûtiste se propose d’explorer au sein d’un quatuor très électrique, aux forts accents pop.

Dès le début, au travers des deux parties d’« Hopeless », le ton est donné : l’album oscille entre des plages oniriques et planantes, nimbées d’un piano extatique et réverbéré, comme on est en droit de s’y attendre avec un tel titre ; et d’autres étapes dans lesquelles le ton se durcit, pour propulser le dormeur dans les sauvages engrenages rythmiques d’une mécanique implacable. On ne le sait que trop bien, le sommeil d’un rêveur n’est pas de tout repos !

Sur « Two Tiny Black Eyes », qui repose sur le même changement d’atmosphère, le flûtiste Joce Mienniel se fait également chanteur et joueur de Korg MS20, ce synthétiseur mythique aux sons de basse chaleureux et puissants qui ont fait les belles heures de nombreuses esthétiques, depuis le rock progressif jusqu’à la musique techno, pour un morceau aux couleurs synth pop eighties. Car le musicien, qui chante également sur plusieurs autres pistes, ne se refuse aucune influence et livre sans complexe, avec cet album, son background musical affectif comme un CV sonore. Il s’associe pour cela les talents du pianiste et clavier Vincent Lafont, du guitariste Maxime Delpierre et du batteur Sébastien Brun, qui enflamment souvent les compositions d’une énergie rock. À l’écoute d’un tel disque, on peut légitimement se demander pourquoi on devrait parfois chercher encore à classer les musiques.

Joce MIENNIEL – THE DREAMER from Romain AL. on Vimeo.

Un autre exemple ? Au sein d’un même morceau en trois parties, « Appartement 643 », les volutes aériennes initiales de la flûte et du piano disparaissent totalement dans une boucle rythmique saturée et industrielle, avant que, sur un enchaînement harmonique théâtral et une guitare saturée digne d’Ennio Morricone, un solo de flûte passionné ne débute, à la manière de l’envolée romantique d’un guitar hero, le tout s’achevant sur un puissant et pathétique accord de piano évoquant la fin de « A Day in the Life » des Beatles.

Mienniel joue également de l’harmonica sur « Nude Was the Color of My Innocence », et même du kalimba sur une reprise tout en douceur du « Money » de Dark Side of the Moon de Pink Floyd (Roger Waters). Après « Rare Thing », épopée en quatre parties, dont le final s’envole sur un kick drum quasiment électro, un autre thème obsédant est repris en clôture de l’album : « The Garden Becoming a Robe Room » de Michael Nyman, écrit en 1982 pour le film de Peter Greenaway Meurtre dans un Jardin Anglais.

A l’image de ces nuits où le cerveau nous offre un spectacle grandiose en Cinémascope, les morceaux de Joce Mienniel se déclinent dans les couleurs variées de fresques à grands effets, où moi, surmoi et inconscient dialoguent musicalement à cœur ouvert.

Guillaume Kosmicki

Un bel entretien de Joce Miennel sur citizenjazz, à lire ici.

Photos©Cédric Roulliat

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