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Cela n’était jamais arrivé depuis la naissance de Musique Action en 1984, au Centre culturel André Malraux (CCAM) de Vandœuvre-lès-Nancy, et cela advient pour la seconde année consécutive : en mai 2021, comme en mai 2020, le festival est annulé en raison de la crise sanitaire.
Cet arrêt brutal est un coup de tonnerre pour un public friand de nouvelles expériences ; pour des dizaines d’artistes programmés qui voient se fermer là une belle tribune pour leurs propositions les plus audacieuses ; mais aussi pour une équipe du CCAM, les plus anciens comme les nouveaux-venus, profondément engagée dans un festival historique, en pleine recomposition depuis l’arrivée récente de son nouveau directeur Olivier Perry, fin 2017. On pensait la chose impossible. Une fois, une seule fois au cours de sa longue histoire, le festival avait été contraint de fermer ses portes, en 2009. Il était alors dirigé par Dominique Répécaud depuis 2000, un de ses initiateurs, qui avait obtenu cette même année le label scène nationale pour le CCAM. En solidarité, des dizaines d’artistes avaient alors répondu présent pour jouer gratuitement lors d’un « Stand by mai » résistant. Personne n’arrête Musique Action !
C’est ainsi qu’Olivier Perry et Anne-Gaëlle Samson, directrice adjointe, ont décidé, après avoir consulté l’équipe, de proposer une « session de rattrapage » en septembre 2020, et de nouveau en septembre 2021. Ces deux sessions convoquent sur un gros week-end certain(e)s des artistes qui devaient se produire lors du festival de mai et offrent au public de pouvoir se retrouver et marquer cette étape annuelle malgré tout. Chacun dans l’équipe s’accorde à penser qu’il serait impossible d’y renoncer, même si le rattrapage ne devait durer qu’une seule soirée.
Évidemment, cette session de septembre n’a plus du tout la cohérence et la logique d’un programme élaboré sur une année : la semaine de festival se concentre sur trois seules soirées, et beaucoup des artistes invités ne sont plus libres, dans la bousculade des engagements et des reports dus aux confinements et déconfinements successifs. Ainsi, certains projets initialement prévus se retrouveront dans la prochaine édition de Musique Action (Fata morgana d’ErikM avec l’ensemble Dedalus), ou même dans un futur plus lointain et plus hypothétique (The Stringless Piano de Francisco López et Reinier Van Houdt). Mais comme le souligne Olivier Perry : « Ce qui reste est la curiosité ! »
Ce festival à la longue histoire, engagé dans la création sonore, porte en effet une charge émotionnelle considérable. On y vient autant pour découvrir que par ferveur. Plus que jamais, il souhaite s’ouvrir à de nouvelles oreilles, briser les chapelles et chasser les réticences que les néophytes pourraient ressentir face aux musiques qu’il défend. La forme ramassée et le montage rapide de la session de septembre 2020 a permis des rencontres et un rythme tout à fait inédit, loin d’être inintéressant. Le rattrapage de 2021 se tiendra entre le 30 septembre et le 3 octobre. Il ne manquera pas d’avoir son lot de surprises et de découvertes.
Mais cela n’est pas tout. Cette année, encore abasourdie par la deuxième annulation, refusant l’idée d’un festival en streaming, l’équipe du CCAM décide au cours d’une discussion collégiale de commander un film, dont je suis chargé (écriture et entretiens) au côté du réalisateur Vincent Tournaud. Nous le tournons au cours d’une résidence au CCAM en avril avec l’énergie que procure l’urgence, à trois semaines seulement de la date du début du festival, à laquelle il doit sortir. Dans une course à la montre, Vincent Tournaud termine les montages in extremis pendant les deux semaines qui suivent. Tout le monde est sur le pont à tous les niveaux, administratif, technique, artistique. Nous discutons et évaluons en continu les images proposées jusqu’aux dernières minutes.
TEASER INEXTINGUIBLE from Vincent Tournaud on Vimeo.
Ce documentaire, Inextinguible, donne la parole à huit artistes que j’interroge sur leur soif de créer encore et toujours, en dépit de toutes les épreuves qu’ils traversent et malgré l’absence d’un public qu’ils ne peuvent plus rencontrer depuis un an. Notre cahier des charges est précis : ne pas présenter un simple catalogue des projets des artistes interviewés, ouvrir en toute simplicité ces musiques à de nouveaux publics via la diffusion internet, et enfin traiter de cette question de la création musicale en temps de crise. Pour cette entreprise passionnante, nous sommes entourés et assistés par une équipe très motivée, et les artistes, qu’ils soient sur place en résidence ou contactés par internet, se prêtent au jeu avec sincérité et émotion. Cela procure un bien fou à tous de sortir de notre terrible isolement et pouvoir enfin l’exprimer, le partager. Le premier jour du tournage, une superbe performance d’Émilie Škrijelj à l’accordéon réenchante les couloirs vides du CCAM. Bien que donnée pour la toute petite équipe chanceuse qui enregistre ce précieux témoignage, elle symbolise par sa simplicité la quintessence de la communication musicale dans son émotion première : une musicienne et quatre paires d’oreilles pour l’écouter. Nous avions presque oublié cette sensation… J’en ai les larmes aux yeux.
La pianiste et performeuse Claudine Simon et la bassiste et électroacousticienne Floy Krouchi figurent parmi les artistes interrogés dans le film. Toutes les deux travaillent sur des objets hybrides, des instruments augmentés par des dispositifs électroniques, une des tendances fortes de la musique d’aujourd’hui. Dans Pianomachine, des dispositifs installés au cœur du piano doublent, secondent ou rivalisent avec Claudine Simon. La FK Bass de Floy Krouchi comporte une quarantaine de contrôleurs permettant toutes sortes de nouveaux accès à son instrument.
Ces deux musiciennes font partie des artistes que le public pourra écouter lors de la session de rattrapage de l’automne 2021.
Guillaume Kosmicki
