La curiosité nous émeut, nous stimule. C’est pourquoi Hémisphère son s’intéresse à la scène artistique émergente, toujours attentif, non seulement aux artistes établis et reconnus, mais aussi à ces jeunes créateurs et créatrices qui débutent leur parcours professionnel.
Dans le cadre du programme d’été CosmoNits, au Musée des sciences Cosmocaixa de La Caixa à Barcelone, Ariadna Monfort, Anna Serra et la compositrice Marina Herlop ont proposé une véritable expérience “Vibracions Additives“. Nous nous sommes entretenu avec Marina Herlop de sa carrière naissante.
Trois albums… et la perte de l’ingénuité.
Marina Herlop (1992) dit que, bien qu’elle n’ait jamais conçu de se projeter professionnellement, elle a toujours ressenti un fort penchant pour la musique. Et pour illustrer cette idée, elle utilise une métaphore précise : “J’étais comme une enfant qui a soif, qui se dirige vers une fontaine pour boire, mais qui ne sait pas trop comment faire”. C’est peut-être pour cela que cette toute jeune pianiste et compositrice née à Piera, une petite ville de la banlieue de Barcelone, confie que son premier album, Nanook (2016), “est né comme quelque chose de très inconscient”. C’est en raison de cette fusion entre classicisme et avant-garde qui caractérise les créations de Herlop que l’album a retenu l’attention du pianiste britannique James Rhodes, qui a décidé de le produire.
Marina Herlop a commencé à étudier le piano à l’âge de neuf ans et a complété sa formation au Conservatoire de Musique de Badalona. Alors qu’elle étudie le journalisme et les sciences humaines à l’université, elle décide de se plonger dans cette passion qui l’attire : la musique. “C’était comme un saut dans le vide”, confie-t-elle. Deux ans après Nanook, Marina Herlop sort son deuxième album, Babasha (2018), une œuvre élégante, vibrante et mélancolique, selon les critiques. En fait, lorsque je lui demande quelle différence elle voit entre le premier et le deuxième album, Marina répond : “Il y a une perte de naïveté, d’inconscience. Mon niveau d’exigence est beaucoup plus grand maintenant”. Cette transition est accentuée dans son dernier album, Pripyat (2022).
La composition… quand la main touche le piano.
On peut dire que la jeunesse de Marina Herlop, le fait qu’elle sache qu’elle est au début de sa carrière artistique, lui donne une certaine liberté. Elle se déclare en processus, en expansion, apprenant au fur et à mesure de son évolution, trouvant les réponses et les questions nécessaires pas à pas. Comme un livre ouvert, accessible, transparent. C’est peut-être pour cela qu’elle avoue se méfier de toute méthode de composition. Elle l’explique de manière éloquente : “Je pose ma main sur le piano. J’enquête. Je le sens. J’écoute. Si j’aime le son qui en ressort, je continue à explorer”. Au milieu d’une tournée, sans avoir le temps de composer, Herlop se languit de s’asseoir à son piano et dit en souriant : “Quand je compose, je me mets en état d’hibernation”.
La fille au langage inventé.
Si le style de Herlop suscite la curiosité, l’utilisation de la voix par l’artiste est frappante. Elle émet des sons, des phonèmes, voyelles et consonnes, des séquences, mélangeant des syllabes de différentes langues, décomposant le sens référentiel du langage, le réduisant à sa pure dimension de signifiant afin d’en jouir esthétiquement. Selon elle, le but est de trouver la belle sonorité. “Je ne prétend pas que ce soit conceptuel, pas du tout. Cela me permet même d’introduire de la mélodie. Et au moment de l’enregistrement, je me rends compte que ces sons ont leur propre entité”. Malgré cet élément qui caractérise sa création de Marina Herlop n’exclut pas à l’avenir de “composer des pièces avec des paroles intelligibles”.
Il sera intéressant de suivre la trajectoire pour savoir comment évolue une artiste qui se reconnaît à ses débuts. “Il y a plusieurs Marinas en moi. L’une veut improviser, l’autre non. Il y a une agitation à l’intérieur de moi. Mais le processus de création me mène vers un certain détachement de l’ego”. Quel tableau émergera de la confluence de toutes ces Marinas Herlops? Et que deviendra la fille qui chante dans une langue mystérieuse ?
La voir, elle et d’autres artistes émergents, dans le cadre du cycle estival CosmoCaixa CosmoNits a été une découverte. Premiers pas, premières créations, comme celles d’autres compositrices. Laura Farré Rozada, interviewée dans Hémisphère son, a donné la conférence-concert Nimbus : un regard artistique sur les fractales lors cette édition. La jeune compositrice et mathématicienne catalane poursuit sa carrière à un rythme soutenu, après son récent triomphe aux Golden Classical Musica Awards à New York.
Txema Seglers