C’est l’une des pionnières de l’art sonore. A 73 ans, l’Allemande Christina Kubisch est toujours aussi inclassable. Depuis 2004, elle organise des « marches électroniques » dans les villes du monde entier.
« Chasseuse de son » : c’est ainsi que Christina Kubisch aime se définir. Musicienne et chercheuse, voilà plus de cinquante ans qu’elle détourne les objets pour trouver de nouvelles formes d’art, une nouvelle musique. Accordéoniste, violoniste et flûtiste, elle entame d’abord des études de peinture à l’académie des beaux-arts de Stuttgart, avant de se tourner vers la musique. En 1974, elle intègre ainsi l’Académie de musique de Hambourg. Elle joue, en parallèle, au sein de groupes pop et rock : des choix esthétiques qui font scandale au conservatoire, d’où elle sera renvoyée…
Christina Kubisch prend alors ses distances avec la musique dite « classique » et s’affirme dans le sillage d’un John Cage, expérimentateur et artiste provocateur. Dans ses performances, elle caricature volontiers les récitals de musique classique et contemporaine en inventant d’autres façons de jouer, par exemple, de la flûte traversière !
A la fin des années 1970, elle fait partie de la première génération d’artistes sonores : ce sont des musiciens, graphistes et plasticiens qui travaillent la matière sonore et font des bruits leur matériau de création. L’ouïe est reine… Et Christina Kubisch est un peu magicienne : sculptures sonores, installations, travail avec la lumière ultraviolette, compositions électroacoustiques, œuvres radiophoniques… Le champ des possibles est vaste, la créativité, sans limites, et ses performances sont très claires : pour Christina Kubisch, les arts sont faits pour voisiner. Pire, se mêler ! La musicienne utilise d’ailleurs tous les sons possibles… jusqu’à ceux qu’on n’entend pas et fait systématiquement participer le public. Le son est une expérience à vivre. La preuve avec les marches électroniques, les fameuses « Electrical Walks », qu’elle organise depuis plus de 15 ans dans les villes du monde entier.
En 2019, l’artiste allemande fait une halte dans la capitale française et le public peut découvrir Electrical Walks Paris, une promenade dans l’espace public – en l’occurrence, les rues du centre de Paris -, casque sur les oreilles et carte du quartier en main, qui permet d’entendre les ondes sonores qui sont, habituellement, imperceptibles à l’oreille nue : petite musique du tramway, des caméras de surveillance des magasins, des caisses de la supérette, des guichets automatiques des banques, de l’éclairage public ou encore du wifi… Ludique à souhaite, mais pas seulement : tendre l’oreille vers l’inaudible, voilà une expérience qui sort de l’ordinaire. De quoi poser un autre regard sur l’environnement urbain. Cette promenade sonore interactive faisait alors partie du cycle Inaudible Matters. Sur les seuils de l’inaudible proposé par la Gaîté Lyrique. A l’arrêt à cause de la pandémie, l’expérience « Electrick Walks » continuera pourtant de voyager. Pour découvrir les futures escales, rendez-vous sur le site de l’artiste
Une interview de Christina Kubisch sur Radio Station Essence à Bordeaux :
Suzanne Gervais