Archipel, Trentième édition 100% numérique

Interviews 22.04.2021

Saluons l’élan et la détermination des deux nouveaux directeurs du festival Archipel de Genève, Marie Jeanson et Denis Schuler, qui, malgré la fermeture des salles de spectacle en Suisse, ont maintenu leur édition 2021, sans public mais captée en direct et dans un flux continu par la Web TV Archipel sous surveillance.

En ligne pour Hémisphère son, Marie Jeanson et Denis Schuler reviennent sur cette trentième édition un rien singulière (du 16 au 25 avril).

Avant même de prendre la parole, ils nous font visiter via leur smartphone les lieux d’accueil du festival, à savoir la Maison Communale de Plain-Palais (MCP) et ses espaces dédiés : à l’étage, un salon d’écoute doté d’un acousmonium (une dizaine de hautparleurs) où se tiennent les concerts électroacoustiques et les séances de « partage d’écoutes » ; des salles avec « des planchers qui craquent », un studio où l’on enregistre les émissions, etc. Le rez-de chaussée abrite le centre névralgique de la Web télévision mais aussi une « salle de jeux » pour le jeune public, un restaurant, une ruche et d’autres installations, un espace de documentation, un bar et une grande salle de concerts. 

Archipel est à ma connaissance le premier festival numérique de grande envergure. De quelle équipe vous êtes-vous entourés pour rendre possible une telle aventure ? 
MJ et DS : La décision de maintenir le festival quoiqu’il arrive a été prise il y a deux mois seulement. Nous voulions proposer un espace de convivialité qui permette aux artistes de se rencontrer et d’échanger, entre eux et avec les auditeurs. Nous pensions au début à la dimension radiophonique mais l’idée de la télévision nous est apparue beaucoup plus séduisante évidemment. Nous avons ainsi contacté deux chaines, la DAF Tivi d’une part, une équipe genevoise très réactive créant des contenus assez drôles et Neokinok.tv d’autre part, un concept de télévision alternative et participative fondée par le Catalan Daniel Miracle. L’équipe a installé des « caméras de surveillance » dans toutes les salles de la MCP et diffusent deux catégories d’images : des retours de « caméras de surveillance » (espaces occupés ou non) et les captations de concert incluant du making-of et autres éléments habituellement dissimulés aux spectateurs. Tout cela conduit à un détournement assez joyeux des formes du concert et à une mise en abîme intéressante du festival. Nous nous accordons tout de même quelques moments hors caméra !

Quel est le ou les fils rouges de cette trentième édition ?
MJ et DS : La notion de fils est en effet importante dans notre conception de la programmation : ceux que nous tirons à partir de quelques idées de départ et qui vont tisser la toile sonore. Nous n’avons pas de thématique à proprement parler mais des connections, des îlots de création (un archipel) auxquels nous essayons de donner une cohérence. Un certain nombre d’artistes ont été invités avec qui nous avons échangé et qui ont élaboré avec nous cette édition. Nous voudrions évoquer à ce titre le « Partage d’écoutes », cette plage d’une heure qui débute chaque journée à midi. Les compositeurs-trices et artistes sonores comme Cassandra Miller, Bríghde Chambeuil, Antye Greie-Ripatti, etc., ont carte blanche pour faire entendre, avec ou sans commentaires, les musiques dont ils-elles se sentent proches et qui les inspirent. Les séances se font en leur présence, soit en os, soit On Air, mais toujours en sons : c’est une sorte de festival dans le festival. Avec de nombreuses installations, des concerts-performance prévus dans ce même salon,  l’accent est mis sur le son, l’écoute, l’ici et le maintenant… Nous souhaitons qu’Archipel soit une fête de l’écoute. Ici, à 2’20 :

Partage d’écoute Neu Records, présenté par Marie Jeanson et Serge Vuille de l’ensemble Contrechamps le 20/04

J’ai noté également de nombreuses manifestations en direction du jeune public. 
MJ : La transmission est une dimension importante d’Archipel. Des séances de découvertes pour les enfants sont proposées et animées par notre administratrice Kaisa Pousset dans le lieu-dit « salle de jeux » et en lien avec le Conservatoire Populaire de Musique. Sont prévus également des workshops invitant les étudiants du Centre de musique électroacoustique de la Haute Ecole de Musique (HEM) de Genève. Et rappelons que l’orchestre de la HEM était présent au côté de l’Orchestre de Chambre de Genève lors du concert inaugural.

(Il est 11h55 et Marie Jeanson s’éclipse pour aller animer le « Partage d’écoutes » de midi…)

On ne peut pas parler de tous les événements, plus de soixante dans cette 30ème édition. Mais peut-on évoquer, Denis Schuller, certains temps forts du festival ?
DS :  Ce sont d’abord nos coups de cœur, comme Occam Ocean d’Éliane Radigue joué dimanche par l’ONCEIM ou encore Inwendig Losgelost de Wolfgang Mitterer, une œuvre forte et très jouissive qui a réuni le Nouvel Ensemble Contemporain et Le Moment Baroque. Nous entendrons également mercredi soir, sous les doigts de la pianiste italienne Anna D’Errico, les Litanies du feu et de la mer I et II, sublime poème musical d’Emmanuel Nunes joué juste avant 50 Hz de Salomé Guillemin, une œuvre-installation donnée en création. 
Le temps fort est également cristallisé par la présence même de l’artiste invité, je pense au violoncelliste Charles Curtis qui a tenu la scène durant trois jours et participer à une rencontre autour  de la musique d’Éliane Radigue. Je citerai également Cassandra Miller, à l’affiche du concert inaugural avec Duet pour violoncelle et orchestre, qui sera présente pratiquement sur tout le festival. Elle s’est prêtée le lendemain à l’exercice du « partage d’écoutes » qui a permis de mieux cerner sa personnalité et nous découvrirons dans quelques jours About Bach pour quatuor à cordes, une partition qui rend compte de son travail sur la transcription.
Nous avons également à cœur de soutenir les artistes émergeants comme Myriam Pruvot, vocaliste, artiste sonore et performeuse, qui vient d’écrire son premier opéra, Un opéra modeste, où elle joue avec les codes du genre. Ici, à 5h58 :

Occam Ocean d’Eliane Radigue avec l’ensemble ONCEIM le 18/04

Au quatrième jour de festival, avez-vous un premier retour à nous faire quant au déroulement des opérations ?
DS : Disons que le premier jour a été un peu « expérimental », avec des problèmes de régie qui se sont vite réglés ; tout marche à merveille maintenant, avec des équipes réactives et un grand bonheur des artistes et de nous-mêmes de pouvoir réaliser ce que nous avons imaginé et d’inviter le public à venir nous rejoindre ; et au final, ça a lieu et on se dit que l’on n’a pas un projet en moins mais un projet en plus !

Propos recueillis par Michèle Tosi

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