Playlist #7

Playlists 02.08.2023

Comme le raconte Stephan Crasneanscki, dans son portrait sonore à écouter sur Hémisphère son, les criquets stridulent jusqu’à l’épuisement et succombent à leurs chants d’amour, car s’ils stridulent pour l’accouplement, ils sont tellement intoxiqués par leurs propres sons qu’ils en oublient de manger et finissent par mourir d’épuisement à la fin de l’été. Quand les sons et l’amour se rencontrent! C’est la playlist de l’été.

La playlist de Suzanne Gervais

Crystalline, pour ensemble de Olivia Bettina Davis (2017)
Née en 1988, Olivia Bettina Davis fait partie de la génération de compositrice australiennes héritières des recherches symphoniques de Peggy Glanville-Hicks, qui passa sa vie (1912-1990) à chercher une troisième voie, entre sérialisme et néoclassicisme, troisième voie qui se tenait, pour elle, dans une plus grande attention portée aux musiques populaires : modalité, importance de la rythmique, cycles. Basée à Perth, Olivia Davis axe son travail instrumental sur la texture, les ambiances et les flux.

Song for Octave de Brice Dessner par Bertrand Chamayou (2019)Nous sommes clairement dans la veine minimale avec cette petite pièce nocturne pour piano du compositeur américain Brice Dessner. J’ai aimé sa simplicité, sa dimension envoûtante que je recherche en musique ces temps-ci.

My Blue Sky de Joji Yuasa (1975)
Une page pour violon virtuose et pleine de variations du compositeur japonais autodidacte Joji Huasa, membre à partir de 1951, avec son compatriote Toru Takemitsu, du laboratoire expérimental Jikken Kobo. J’aime ce morceau épuré : un violon, c’est tout, et audacieux. Un monologue tantôt calme, tantôt délirant.

La playlist de David Sanson

Longoz, Ann O’aro (Cobalt)
En mars dernier, sur la scène d’Antre-Peaux, à Bourges, Ann O’aro refermait sa tournée française avec un concert d’une rare intensité : peu commune est en effet la présence de cette chanteuse dont la voix magnétique et intemporelle évoque celles des plus grandes. D’autant qu’elle est sertie dans un accompagnement musical aussi peu banal que minimal, aussi habité que retenu : le trombone de Teddy Doris et les percussions de Bino Waro (fils de Danyel) offrent un écrin et un éclat singuliers à ces chansons qui ne le sont pas moins, mariant le créole et le français avec une rare et sauvage poésie – comme en témoigne ce Longoz, publié en 2020.

V/A : Prends le temps d’écouter (CD Born Bad/Radio Minus, 2023)
Passé maître dans l’art d’exhumer les répertoires de traverses de la pop-culture, le label Born Bad s’est acoquiné avec Radio Minus pour lancer la collection “Lance-pierre”, dédiée aux projets musicaux enregistrés spécifiquement pour ou par les enfants. Ce nouvel opus recueille ainsi des enregistrements de “musique d’expression libre” réalisés entre 1962 et 1982 dans les classes Freinet. Et le résultat, mêlant expérimentations sur bande, improvisations sauvages, fulgurances poétiques et folk-songs en état de grâce, s’avère fascinant autant qu’émouvant, qui nous rappelle que la liberté est la condition première de la musique.

Open Spaces de Garth Knox et le Ragazze Quartet : ‌(CD Channel Classics, 2023)
Fascinant parcours que celui de Garth Knox, parti de l’Ensemble Intercontemporain et du Quatuor Arditti pour défricher, à l’alto aussi bien qu’à la viole d’amour, une voie hautement personnelle, au confluent des musiques traditionnelles de sa Grande-Bretagne natale, de la musique ancienne et de l’écriture contemporaine. Après plusieurs CD sur le label ECM, ce nouveau disque regroupe ses compositions pour quatuor à cordes et alto. Les Amstellodamoises du Ragazze Quartet sont les interprètes idéales de cette musique délicate qui jamais n’oublie d’être joueuse – comme en témoigne ce Quartet for one qui referme le disque, composé durant le confinement, dans lequel Garth Knox campe un quatuor à cordes à lui tout seul !

La playlist de Michèle Tosi

Remembering clouds de ​​Sofia Avramidou (2022)
Texte en français de Laure Gauthier intérprété par  l’ensemble Ictus avec Theresa Dlouhy, soprano – Eva Reiter, Viole de gambe – Tom Pauwels, guitare électrique
Compositrice et chanteuse d’origine grecque, Sofia Avramidou (née en 1988) fait souvent appel à la voix dans ses partitions. Remembering clouds pour soprano, viole de gambe et guitare électrique évoque le destin de Kaspar Hauser, cet adolescent que l’on a appelé « l’orphelin de l’Europe », enfermé toute son enfance et arrivé aux portes de Nuremberg un jour de mai 1828, sachant à peine parlé, épuisé, titubant, gesticulant et grognant de façon incompréhensible…

Concerto pour violon et ensemble de György Ligeti (1990) 
À la demande de Saschko Gavriloff, Ligeti (1923-2006) écrit une première version de son Concerto pour violon en trois mouvements en 1990 et y ajoute deux mouvements supplémentaires en 1992. L’ensemble comporte des instruments à vent particuliers, tels l’ocarina et la flûte à coulisse, qui émettent des hauteurs imprécises, Ligeti souhaitant s’éloigner du système tempéré occidental. On sent également dans l’écriture du concerto l’influence de la polymétrie complexe des musiques tribales africaines entretenant une irrégularité constante de la pulsation. 

La Horde pour ensemble de Hugues Dufourt (2022)
C’est à Hugues Dufourt (né en 1943) que l’on doit le qualificatif de « spectral » attaché à ce mouvement contestataire des années 1970 qui entend considérer le phénomène sonore dans toutes ses applications, au niveau de l’écriture, de la composition et de la perception. Après Tiepolo, Blake, Poussin, Rembrand, Courbet, Goya, Pollock, etc., c’est vers Max Ernst et sa Horde que se tourne le compositeur dans cette nouvelle pièce. « La Horde montre l’irruption de silhouettes hagardes, hérissées, véhémentes, prêtes à passer à l’acte », nous dit le compositeur : autant de sollicitations pour « l’oreille qui regarde » et la transmutation des sensations visuelles en monde sonore.
À écouter sur France Musique, en concert d’ouverture du festival Présences 2022, de 68’ à 90’

En lien

buy twitter accounts
betoffice